Drôle d’époque : beaucoup d’agences de communication « néo-corporate » s’engouffrent –fortes de la loi Pacte- dans la martingale du déploiement de « raisons d’être ». Elles édictent, et cherchent à re-trouver leur utilité en déployant des évidences. Des exemples ? Sur la centaine de « raisons d’être » à ce jour recensées, la plupart sont de cet acabit : ADP ? Accueillir des passagers ; Michelin ? Une meilleure façon d’avancer ; la SNCF ? Faciliter la mobilité ; AXA ? Protéger et agir pour un avenir serein ; la Société Générale ? Apporter des solutions financières. La belle affaire… c’est avant tout leur objet social ! Ah oui, et toutes le font au nom d’un monde meilleur, responsable et durable. De quoi faire sourire ou grincer des dents selon l’humeur !
Stratégie versus Culture d’entreprise
La raison principale de la vacuité de ces motto ? Ils sont strictement et exclusivement des paraphrases de la stratégie d’entreprise. Par définition axées vers le profit, imaginées par des comités de pilotage (en service commandé et bien souvent décorrelés des parties prenantes), plus ou moins bien inspirées par des agences dont l’objet est moins de créer la différence que de flatter leurs commanditaires, ces raisons d’être sont mises au pas de la stratégie de l’entreprise, de façon plus ou moins subtile. Et ne tiennent aucunement compte de la culture d’entreprise, de ses marqueurs, de son ADN, de ses leviers.
Une erreur capitale à l’heure où les entreprises sont condamnées à la réinvention permanente, à l’agilité et à la prospective en milieu mouvant, voire hostile, et peuvent changer de business model (voire d’objet social) à tout moment. Où les éléments premiers et majeurs de l’entreprise (les salariés) sont en état de choc et d’indécision. Les crises sociales, économiques, identitaires, sanitaires, successives sont passées par là. Et ont changé en profondeur le rapport du salarié au travail, à l’entreprise, au monde. Elles ont perturbé leurs repères, leurs motivations, leurs organisations, leurs priorités, toutes choses qui déterminent finalement cette envie d’avancer ensemble, de faire corps, ce qu’on appelle à bon droit la culture d’entreprise. En prendre la mesure n’est pas un prérequis mais un impératif quand on sait depuis les travaux de Peter Drucker (« pape du management ») que « la culture mange la stratégie au petit déjeuner ». C’est aussi une évidence qui met en grand péril la portabilité et au-delà l’utilité des raisons d’être affichées, censées emmener péremptoirement les parties prenantes dans un grand élan vertueux et qui, outre le fait d’être souvent creuses et tautologiques, font rire (jaune) salariés et consommateurs (qui sont évidemment les mêmes).
Le législateur français en confiant par la Loi Pacte à l’actionnaire la responsabilité suprême de définir la finalité de l’entreprise et d’en surveiller la mise en œuvre conforme et durable, lui a surtout offert la possibilité de s’offrir à bon compte une conscience en surface éthique. Mais chassons le naturel, il revient au galop : le récent exemple du débarquement du patron de Danone est là pour nous le rappeler. Au grand mépris de la culture d’une entreprise qui en faisait sa fierté, tant de la part de ses salariés que des cadres dirigeants, des syndicats, voire des consommateurs qui finissaient par croire aux vertus de la marque.
De la culture d’entreprise avant toute chose
En revenir à la culture d’entreprise est donc urgent. Et premier. Et l’ignorance qu’on en fait est cause des nombreux échecs constatés dans le cadre des rapprochements d’entreprise. Selon une récente étude de Mercer, 67% des rapprochements d’entreprise ne produisent pas les synergies attendues pour cause d’incompatibilité culturelle. On peut être d’accord sur un plan stratégique. Beaucoup plus dur pour un plan culturel multidimensionnel qui ne peut faire l’impasse sur les salariés, capital indispensable de l’entreprise, et pas seulement charge ou variable d’ajustement.
Aucune action, qu’elle soit de communication ou de mise en place de plan stratégique, ne devrait pouvoir être engagée sans une connaissance fine et actualisée de la culture d’entreprise qui passe par une phase d’audit et des approches bien spécifiques. C’est tout le sens de l’algorithme développé par I&S : Cultural Match-up®. A la fois utile en phase de fusion-acquisition et permettant d’objectiver toute approche/opération de croissance externe ou de mutualisation de départements au sein des groupes ; il est aussi conçu pour être un préalable à toutes réflexions engageant des opérations de transformation, de communication (notamment internes) ou de réflexion ayant trait à la définition d’une mission concrète et partagée, d’un projet commun.
Résultats de démarches quantitatives, qualitatives (avec une segmentation issue des travaux cognitifs de l’Université de Harvard entre autres), ces algorithmes prennent en compte les marqueurs d’une organisation, les champs sémantiques exprimés par l’expression publique et interne de l’entreprise, son histoire, sa e-reputation. Le tout, mis en perspective sous forme de datas et de radars explicatifs, qui analysent et traduisent les tendances de fond régissant « les lois tacites » de l’entreprise.
Utiles à la construction du futur de l’entreprise, respectueuses du capital matériel et immatériel des organisations, ces approches innovantes sont conçues comme vecteur d’efficacité, circonscrivent les actions à entreprendre, travaillent à leur pérennité et participent au réengagement de l’ensemble du corps social sur des bases partagées, tangibles, (re)fondatrices. Toute chose dont les entreprises ont besoin aujourd’hui et auxquelles elles devraient s’attacher avant de chercher de façon artificielle là où aller. Sachons d’abord d’où nous venons et qui nous sommes, pour envisager un futur commun productif, responsable et motivant pour tous.
Au pays de la culture, mépriser celle d’entreprise est un non-sens pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les actionnaires sur le long terme !